Entreprendre au Mali : Défis et opportunités pour les jeunes

Article : Entreprendre au Mali : Défis et opportunités pour les jeunes
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12 octobre 2021

Entreprendre au Mali : Défis et opportunités pour les jeunes

Manque de financement, hésitation, déficit d’idées…la jeunesse entrepreneuse malienne a-t-elle les ressources nécessaires pour faire ses premiers pas ? Avec quels risques ? Pour quels avantages ? Nous sommes allés à la rencontre des jeunes entrepreneurs.

« Être la plus grande bibliothèque de la musique malienne ». Telle est l’ambition affichée par le jeune entrepreneur pour sa plate-forme numérique qui compte 200 abonnés. Détenteur d’un Master ll en sciences politiques, Mohamed Diarra fut l’un des trois lauréats du concours Orange Fab initié en 2019 par l’entreprise de télécommunication Orange-Mali. Passionné de musique et de numérique, le trentenaire a su, depuis, concilier ses deux amours, en donnant corps à ZikMali (Zik tronqué du mot musique et associé du Mali), plate-forme de streaming (écouter sans sauvegarder le fichier) et de vente en ligne des « musiques exclusivement maliennes », précise-t-il.

« Je suis un passionné du numérique depuis ma tendre jeunesse, se souvient-il. J’ai eu mon premier ordinateur en 2002 quand je faisais encore la 7e année. Malgré cette passion, je n’ai pas de diplôme dans le domaine du numérique. Je me suis formé à la maison, auprès de mes frères qui sont des ingénieurs en informatique et à travers des cours en ligne. ». Autodidacte en informatique, c’est à la fin de ses études universitaires en 2015 que le futur entrepreneur fait ses premières armes. « Après des stages, je me suis rendu compte que le marché du travail était saturé. Puisque l’Etat n’est pas le principal créateur d’emploi j’ai donc eu l’ambition d’initier une entreprise qui pourrait non seulement me permettre de gagner ma vie mais aussi aider à faire sortir d’autres jeunes du chômage. ».

Anéné

Âgé de 34 ans, Diadié Camara a lui mis en place l’agence de communication digitale Deema com (entraide en soninké combiné du diminutif du mot communication), spécialisée entre autres dans la création de sites Web, marques et logos. Titulaire d’une maîtrise en langue et littérature arabes, Diadié intègre le monde de l’entreprenariat en 2020 après avoir obtenu son master II en gestion d’entreprise en France. Avec un capital de départ de 8 millions de Fcfa, le jeune promoteur éprouve une satisfaction un an après. « Au début on avait à peine trois clients par mois, mais avec le temps, nous avons eu des partenariats avec des universités et des hôtels qui nous font appel lors des événements », se réjouit-il.

Réussir avec les moyens du bord, c’est également le succès de l’entreprise de vente du jus naturel Anéné (goûte-le en bamanankan) qui exporte ses produits vers le Sénégal et le Burkina Faso. « Avec les cotisations, nous avons réuni environ 50 000 F CFA pour commencer. Aujourd’hui, l’entreprise bénéficie de la même somme en une semaine de vente », constate Mme Koudiey Dembélé titulaire d’un BT2 (brevet de technicien) en comptabilité et membre fondatrice d’Anéné.

Créée en 2020 par un groupe de jeunes, Anéné a pour objectif de mettre en valeur les ressources naturelles locales par la vente des boissons (jus) à base des fruits comme le baobab, le rônier, le gingembre, le tamarin, ou le bissap (dabléni en bamanankan). « La plupart des boissons qu’on consomme au Mali sont des boissons gazeuses parfois venues de l’extérieur. Pendant ce temps, des fruits sont exploités pour être transformés à l’extérieur », se préoccupe Koudiey.

Jeunesse rurale

Initiée par une dizaine de jeunes, l’entreprise compte à ce jour cinq employés. À cet effet, « le concept de l’entreprenariat n’est pas très compris au Mali. Raison pour laquelle beaucoup de jeunes abandonnent sous la pression sociale. », explique Koudiey.

Mohamed Diarra pense que la culture de l’entreprenariat n’est pas assez développée dans la société. « Lorsqu’on commence à entreprendre, on rencontre souvent des critiques de la société, y compris la famille qui soupçonne de paresse. L’autre cause de l’échec est que certains jeunes ne sont pas patients. Ceux-ci veulent cultiver et récolter le même jour », renchérit-il.

Proposant des solutions à ces obstacles, Mohamed Diarra insiste sur le sacrifice de soi. « Beaucoup n’ont pas l’esprit de sacrifices sociales et financiers. Il s’agit du sacrifice d’investir au lieu d’acheter un téléphone luxe, de ne pas aller tout le temps au grin (lieu de causerie ndlr), en se créant un emploi du temps personnel », conseille-t-il.

Cependant, l’innovation est primordiale pour la réussite de son projet d’entreprise. « De nos jours, il ne suffit pas seulement d’entreprendre, poursuit Mohamed, mais il faut être innovateur, c’est-à-dire avoir une nouvelle idée différente de celles existantes. ».

Outre ces difficultés, le manque de financement et surtout le système éducatif constituent une impasse pour les jeunes. À ce sujet, Koudiey Dembélé propose l’insertion des filières de l’entreprenariat dans les programmes scolaires afin de mieux préparer les plus jeunes. « La jeunesse malienne ne se limite pas seulement aux jeunes des grandes villes. Malgré les potentialités qui existent en milieu rural, beaucoup de jeunes n’arrivent pas à entreprendre à cause du manque de visibilité, d’information et de formation. », ajoute-t-elle.

Classé dans le top 20 des pays producteurs d’or dans le monde, le Mali est grand producteur du coton dans la sous-région. Le pays est aussi une référence dans l’exportation du bovin en Afrique de l’ouest. Malgré ces avantages, le monde rural est en proie au manque d’infrastructures (routes, centre de formation professionnelle, connexion internet etc.) et tout récemment à l’insécurité grandissante qui sévit depuis quelques années. N’est-ce pas le paradoxe que présente ce Mali profond où de nombreux jeunes abandonnent leurs familles pour migrer vers les villes puis l’Occident en quête d’une vie meilleure ?

Khaled Mohamed

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Commentaires

Yaya KONE
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Le Mali doit revoir sa politique de gestion financière.

Khaled Mohamed
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Tout à fait

Samaké
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Très intéressant. Courage

Khaled Mohamed
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Merci