In Memoria : Ma femme a été une chance pour moi

Article : In Memoria : Ma femme a été une chance pour moi
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13 septembre 2021

In Memoria : Ma femme a été une chance pour moi

19 juin 1979 – 19 juin 1986, un couple Gémeaux, une histoire de complicité et de tendresse, entre 2006 et 2018. A. Coulibaly, professeur d’histoire au lycée; nous fait l’éloge de sa femme, décédée à la suite d’un accouchement par césarienne. A l’occasion de ce troisième anniversaire qu’il passe sans elle, ce 19 juin 2021, il s’est confié à un de ses anciens élèves qui lui a rendu visite.

Nous nous sommes rencontrés au chantier de mon oncle à Kalaban Coura en 2006. En ce temps, je préparais mon mémoire de fin d’études universitaires. Elle y allait pour vendre des jus de gingembre à la sauvette. Elle avait déjà décroché un BT (Brevet de Technicien) en secrétariat. Sa timidité et son sens du respect m’ont très vite impressionné. C’est alors que j’ai commencé à lui faire la cour. Voilà notre destin scellé. 

Moi, bonhomme de Diamou (Kayes) venu à Bamako pour des études supérieures et qui voudrais si vite retourner chez lui après le cursus universitaire et elle, Moyerè Barry, une « poulho Dèbô », venue d’Ansongo mais originaire de Macina (Ségou) m’a envoûté par son charme intérieur. Moi, 19 juin 1979 et elle 19 juin 1986, un couple Gémeaux. Notre histoire s’est forgée sur la complicité et entretenue par la tendresse. Mais aussitôt fugace Ma femme a été une chance pour moi. Paix à ton âme mon Trésor. Tu as perdu ta vie, voulant accueillir notre petite Biba. « Musso Kèlè » !

Je n’oublierai jamais. On est sorti ensemble jusqu’à trois ans étant des amis. Quand un mec a commencé à la côtoyer, pour le mariage, je m’y suis opposé. Alors, nous nous sommes brouillés pendant un an. Une de ses cousines insistait que je retourne à elle vainement. Le jour où celle-là m’a fait savoir qu’à chaque fois que quelqu’un des siens demandait de mes nouvelles à Moyerè, que la pauvre ne pouvait retenir ses larmes. Elle m’aimait sincèrement. 

Cette nouvelle m’a glacé. Ma conscience ne pouvait que me pousser à repartir vers elle. Pendant tout ce temps, je vivais au crochet de mon oncle et bricolais des petites affaires. Finalement, j’ai décidé d’enseigner l’histoire aux lycées privés. Pendant ce temps, je lui ai proposé de postuler au concours d’entrée à l’IUG (Institut Universitaire de Gestion). Ça a marché. Elle en est sortie avec un DUT. 

Elle a beaucoup contribué au mariage

  Un jour, en 2012, elle m’a rendu visite. Elle était décidée. «Plus d’amourette avec un homme, tu fais du sérieux ou l’on se dit adieu », m’a-t-elle martelé. Décidément, j’ai juré sur le Coran que je l’épouserai. Je voulais être financièrement stable. Quelques mois après, je l’ai dotée, en novembre de la même année. Nous nous sommes mariés le 31 mars 2013. Elle avait eu un boulot à quelques mois de notre mariage. Un job à la direction commerciale de l’Aéroport International Modibo KÉÏTA de Bamako. Elle a beaucoup contribué au mariage, en habits, en boissons rafraîchissantes, …

Après la chambre nuptiale, nous avons habité chez mon oncle à la demande de ce dernier. On avait un objectif, trouver notre propre toit. Par l’intermédiaire d’un collègue de ma femme, nous avons acheté une parcelle. Mon Trésor me remettait la rente de ses tontines et prélevait sur son salaire pour accélérer la construction. 

  Chose faite et nous avons déménagé pour vivre une vie idyllique sous notre toit. S’il fallait tout dire, je n’en finirais pas. Chaque année nous partions passer la tabaski auprès de mes parents à Kayes. Il fut un an où ma situation financière ne me permettait pas cette visite. À deux jours de la fête, elle m’a surpris avec deux billets de voyage et des présents pour mes parents. 

  On partageait tout. Après la naissance de notre gosse, nos conditions de vie se sont vite améliorées. En 2018, nous avons acheté une voiture. Le drame s’en est vite suivi. Malheureusement qu’elle n’ait jamais passé une seconde dans son habitacle. 

Nos autres projets sont avortés. Tout était si bien planifié, j’allais partir au Sénégal pour préparer mon master. Et entre temps, elle allait faire sa licence. Hélas trop beau pour être vrai. Le vrai relevant du Tout Puissant, nous humbles créatures ne faisons que proposer. 

Tout n’est pas rose

  Il y a eu des moments tendus entre nous. Nous n’avons jamais expliqué nos problèmes conjugaux à un ami ni aux parents.

Nous avons su instaurer le dialogue. Elle avait toujours le sourire quel que soit le problème. Dans un couple, il faut toujours se dire la vérité mais de façon douce. Tout n’est pas rose. Ayez cet esprit quand vous-vous marierez.

Depuis que nous nous sommes connus jusqu’à son décès, elle ne m’a jamais demandé un rond. Quand l’argent rentre par la porte, l’amour sort par la fenêtre. Mais j’ai compris que les gestes comptent souvent plus que les mots. Je lui apportais très souvent des cadeaux alors que sa situation économique était meilleure à la mienne. 

À chaque fois, elle me taquinait en ces termes: « Il ne fallait pas tout ça, mon Prince, les enseignants maliens sont pauvres. Consacrons-nous à la construction de notre toit ».

Honte à la vie

La conception d’un deuxième enfant lui a été fatale. Pourtant elle n’a eu aucun problème au début de la grossesse et se faisait suivre régulièrement par un gynécologue. Dans la nuit du vendredi 9 novembre 2018, elle s’est soudainement plainte des maux de ventre. Elle a pris des médicaments. Le malaise est passé. Le lendemain, samedi matin, alors qu’on s’apprêtait à aller à l’hôpital, elle a convulsé. Je l’ai urgemment amenée au Centre de Santé de Référence de la Commune VI de Bamako.

Une complication constatée, elle a été transférée à l’Hôpital Gabriel Touré. C’était une grossesse de sept mois. Les médecins l’ont fait accoucher par césarienne. Avec succès : notre petite fille est là, l’homonyme de ma maman, Biba, comme sa mère avait souhaité. Une joie éclair. Aussitôt, d’autres problèmes se sont enchaînés : anémie, problèmes respiratoires aigus, réanimation, insuffisance rénale. Les ordonnances et analysent se suivent. Illico presto je paie, plus sa santé se dégrade.

C’était de trop pour mon Trésor. Elle n’a même pas eu la force de sourire à notre petit ange, ne serait-ce qu’une seule fois du coin des lèvres. Mardi 13 novembre 2018, elle n’en pouvait plus… Honte à la vie. Gloire à Dieu. 

J’ai perdu le fil

  L’enfant trop fragile. Elle a passé plus d’un mois dans la couveuse. Ma vie n’aurait plus de sens si ce n’était pas ces deux enfants. Je ne me retrouvais plus en classe. Je perdais le fil des leçons quand j’expliquais. Sa silhouette venait toujours s’interférer. La seule chose qui me faisait du bien, c’était de humer ses habits comme un opium. Cela plusieurs fois dans la journée, je la sentais. Manger ? Non. Seulement que pour me tenir sur les pieds. Ça va mieux maintenant, j’ai eu le soutien de tout mon entourage. Je n’ai pas envie de me remarier. J’ai un devoir, m’occuper des enfants. Cela fait trois ans que je fête tristement notre anniversaire. Moyerè, mon Trésor, tu serais bien aujourd’hui (19 juin 2021) à mes côtés. La maison est trop grande pour les enfants et moi.

Makan Fofana

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Commentaires

Yaya Kone
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Histoire très touchante