In memoria : toutes les mères s’appellent « Hawa »

Article : In memoria : toutes les mères s’appellent « Hawa »
Crédit:
3 août 2023

In memoria : toutes les mères s’appellent « Hawa »

Depuis le ciel parsemé d’une pluie d’étoiles scintillantes, la clarté de la lune ne peut que difficilement dissimuler le voile blanc qui enveloppe une femme. Admirative, Mahawa ne veut rien laisser perdre du premier test sur son enfant en difficulté scolaire.


« Comment tu t’appelles ? Tu es en quelle classe ? Cite les 26 lettres de l’alphabet… » Des questions orales qui ne tardent pas à révéler le retard indiscutable de l’enfant. Des craies, une ardoise, un cahier et des crayons sont nécessaires pour repartir de zéro. Sans oublier de mentionner Mamadou et Bineta, manuel qui, selon le fervent adepte du syllabisme que je suis, semble être un remède efficace.

Au fil des jours, l’élève qui butait sur les six voyelles parvient enfin à identifier des mots et des phrases. De quoi raviver de plus belle la flamme qui a jailli entre moi et ses parents. Impatiente, Mahawa m’appelle toujours à 18h30 pour confirmer que je viendrai, comme prévu, à 19h afin de donner des cours à son fils.

Juin 2021. A quelques dizaines de kilomètres de Bamako. Quelques minutes après avoir parlé avec Ma mère au téléphone.

Un partage au-delà des leçons

Cette heure, coïncidant avec celle du repas du soir, l’infirmière qui prépare du poisson, de la viande et parfois du poulet, n’oublie jamais de me réserver une portion que je déguste en compagnie de mon élève à la fin de notre exercice. Parfois, elle s’arrange pour que je puisse savourer le plat seul en emportant une tasse chez moi.

Ces mets délicieux apaisent certainement ma faim, mais ils ne sont pas les seuls à laisser une empreinte dans mon esprit. Bien entendu, son affection à mon égard est à la hauteur de la curiosité qu’elle ressent en me voyant m’investir dans une entreprise bénéfique pour l’avenir de son enfant.

LIRE AUSSI

In Memoria : ma femme a été une chance pour moi

Montrant de l’intérêt pour moi (ma famille, mes études, mes joies et mes peines), celle-ci m’offre souvent l’occasion appropriée de lui ouvrir une fenêtre sur ma vie. « Comment as-tu fait pour survivre à tes difficultés ? Qui lave tes habits ? Que veux-tu devenir ?… » Des questions qui ne m’avaient pas été posées depuis une dizaine d’années. En fait, depuis les derniers conseils de ma mère lors de mon tout premier voyage à Bamako, de telles paroles n’avaient plus résonné à mes oreilles.

L’héritage des mères

Attentionnée et compréhensive, je la considère comme une « grande sœur », voire même « une mère » se souciant de mon futur. Elle représente le moment d’ouvrir le livre de mes trois vies : celle d’un enfant de la brousse ponctuée d’une enfance difficile, celle d’un étudiant perdu dans un système éducatif aux perspectives incertaines, et enfin celle d’un chômeur errant dans les rues de la ville.

Et bien sûr, sans oublier ma mère, cette femme avec laquelle elle partage non seulement le nom, mais aussi et surtout l’esprit humaniste. Ce type de mère qui accueille quotidiennement une foule d’enfants et de femmes jusqu’à sa véranda.

LIRE AUSSI

Discrimination : toute femme est femme, même celle en situation de handicap

Tout au long de ma vie de bohème, j’ai grandement bénéficié de la tendresse de ces mamans qui savent véritablement ce que signifie être une mère. Dans les rues comme au marché, à l’école comme au travail, chacune des Natou, Fatou, Setou m’a laissé une part d’elle-même. Cependant, ce sont les marques indélébiles laissées par les Hawa (« celle qui donne la vie »), les premières et nourricières de tous, qui restent gravées dans mon esprit.


Khaled Mohamed

Étiquettes
Partagez

Commentaires

Bezo Diarra
Répondre

Bien , pas le texte en substance mais l'idée qu'il contient. Courage

Khaled Mohamed
Répondre

Merci.