Mamadou Lamine Dramé : une légende ne meurt jamais

Article : Mamadou Lamine Dramé : une légende ne meurt jamais
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20 avril 2024

Mamadou Lamine Dramé : une légende ne meurt jamais

Plus connu au Mali, au Sénégal et en Gambie, l’illustre érudit est une figure emblématique de la résistance Soninké face aux colons.

Image d’illustration : Depositphotos

Selon la tradition orale et plusieurs historiens, Cheickh Mamadou Lamine Dramé est fils d’un maître coranique qui porte le même prénom. L’illustre résistant serait né vers 1830 à Goundiourou, village situé à moins d’une dizaine de kilomètres de la ville de Kayes (chef-lieu de la première région administrative du Mali, où un camp militaire porte son nom).
Dans cette contrée fortement influencée par la culture islamique, nombreux sont des enfants surdoués qui maîtrisent le Coran avant même l’âge adulte. Le résistant en était l’un de ces saints prématurés.

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Comme pour respecter la tradition du terroir, le jeune prodige est envoyé à Bakel (dans l’actuel Sénégal) pour poursuivre sa socialisation et sa formation religieuse. Dans cette ville qui abrite un fort français, le jeune talibé sera impressionné par le courage du conquérant El Hadj Oumar Tall, qui prêche, de son passage, une lutte armée contre les nouveaux occupants.

De l’ambition à l’ascension


Son cursus scolaire terminé, il part au Fouta, terroir de son mentor El Hadj Oumar. Au pays toucouleur, le jeune adulte se perfectionne auprès d’autres maîtres coraniques et fait fortune dans le commerce. Celui qui consacre sa vie à l’Islam entreprend d’effectuer un pèlerinage à la Mecque.

La plupart des rois et chefs locaux (y compris dans sa région natale), espérant conserver leur trône, avaient déjà signé des traités avec les français


Sur le chemin de la ville sainte, le Cheickh traverse le Soudan (actuel Mali Burkina Faso), le Tchad et le Maghreb. Sillonnant les localités, il témoigne du calvaire des populations sous le joug des colons (saccage des villages, paiement d’impôts, travaux forcés etc.)


Le pèlerinage accompli, l’érudit fit un séjour au Moyen-Orient où il s’imprègne davantage de la religion musulmane et des civilisations orientales et occidentales. De retour au Soudan français, le prédicateur sera arrêté par le fils d’El Hadji Oumar, Ahmadou Tall, qui régnait à Ségou (pour avoir dénoncé l’instrumentalisation de la religion). Il sera relaxé par le frère de ce dernier (Madani).


Charismatique et très critique envers le système colonial, sa popularité montante attire l’attention d’autres ennemis. En effet, la plupart des rois et chefs locaux (y compris dans sa région natale), espérant conserver leur trône, avaient déjà signé des traités avec les français.

Image d’illustration : Depositphotos


Des injonctions du commandant français qui exige que le nombre du cortège du marabout ne dépasse pas 50 personnes, l’affrontement était inévitable. Après plusieurs victoires de ses troupes, les français et leurs alliés (disposant des canons et des fusils modernes) renversent la tendance à Bakel. Malgré le retournement de situation, le Cheickh poursuit sa guerre vers la frontière entre le Sénégal et la Gambie, où il succombe de ses blessures lors d’une bataille.


Ils seront évincés, assassinés.. loin des délices de leurs palais royaux

Son fils ainé, Chouaïbou, sera défendu dans le tata de Gory. Malgré la destruction de ce royaume, l’héritier du marabout ne sera pas livré à l’armée d’Ahmadou Tall qui a mené cette « chasse aux sorcières ». Il sera arrêté plus tard par les français dans le Guidimakha, jugé et fusillé devant la cour martiale.


Entre temps, les colons se retournent contre Ahmadou Tall. Devenu une proie pour ses alliés, le fils ainé d’El Hadj Oumar trouvera réfuge à Sokoto (Nigeria), où il passera le reste de sa vie en exil. Même destin pour Moussa Molo Baldé (qui aurait promis de livrer le résistant vivant aux français), le roi du Fouladou qui mourra en Gambie.

Indomptables Soudanais


Farouche résistant à l’invasion coloniale, l’homme de Dieu a affronté la chaleur et le froid en quête du savoir. Face au bruit des canons et à la fumée des fusils, le redoutale guerrier meurt libre, les armes à la main, sans être capturé. Lui qui n’a jamais signé de traité avec l’envahisseur ne voyait-il pas déjà l’émergence d’une sempiternelle domination culturelle et politique qui pointait à l’horizon ?

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Sa tragique disparition marque le debut de la déchéance de plusieurs dirigeants. La plupart seront évincés, assassinés.. loin des délices de leurs palais royaux pendant que les populations endurent les corvées, les travaux forcés et les recrutements massifs des bras valides dans les corps armés et des enfants dans les écoles.

Crédit : Joannès Barbier « Tam-tam à Bakel en l’honneur de la prise de Nioro » scène de 1891 via Wikicommons


Qu’à cela ne tienne, d’autres soulèvements verront le jour au Soudan français. Après les guerres de Mamadou Lamine Dramé (considérés par certains comme islamistes), les révoltes Bamanan, Bobo et autres vont émailler les quelques décennies de la pénétration française. Indomptables, les soudanais ne cessent de manifester leur insoumission jusqu’au 20 janvier 1962, date à laquelle le dernier soldat français quitte le territoire du jeune État malien.


En terre Soninké, la victoire des armes modernes est loin d’être celle des mentalités. Envers et contre tout, la floraison des écoles coraniques puis des medersa au détriment des écoles publiques (de langues européennes) est une véritable résilience. Une légende ne meurt jamais !

Khaled

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