Mon Père, ma première source d’inspiration

Article : Mon Père, ma première source d’inspiration
Crédit:
23 décembre 2023

Mon Père, ma première source d’inspiration


Crédit : Khaled Mohamed

De l’école coranique à l’école publique, de l’eau a passé sous le pont. Le temps, les hommes… les réalités changent. Mon père indélébile à jamais.

Jimi Hendrix, c’est l’artiste qui m’inspirait quand j’étais lycéen. Amoureux du jazz, j’avais mûri le rêve de ressembler ce génie qui jouait la guitare avec les dents.

Du rêve d’adolescent, j’ai acheté une guitare de seconde main auprès d’un ami, élève au conservatoire, avec la moitié de ma bourse. Selon le mythe de l’époque, les meilleurs guitaristes trouvent leur don en jouant seul pendant les heures reculées de la nuit, où ils rencontrent des esprits qui leur transmettent l’art de la bonne sonorité.

Destin d’un Baron

L’ambition de devenir une étoile au cœur, j’ai décidé un jour de gratter les cordons dans les heures avancées de la nuit. Plus la nuit avançait, plus l’envie de jouer démangeait mes doigts.

Soudain, je vois un silhouette qui vient de derrière. Le son de l’instrument devenant plus doux à mesure que l’ombre du mystérieux visiteur s’approche et me couvre, je me dis que le jinn tant attendu arrive afin. Aussitôt, je vois ma guitare arrachée de force de mes mains.

Je reconnais à peine le visage de mon père qu’il jette aussitôt l’instrument par terre et l’écrase sous les pieds. « Je t’ai envoyé à l’école pour apprendre et non pas pour jouer la musique », vocifere-t-il. Depuis ce jour, je n’ai plus joué la guitare.

Crédits photos :
ValeriaRodrigues pour Iwaria

Cette histoire n’est pas la mienne. Elle m’a été racontée par mon mentor. Le destin d’artiste perdu, mon maître spirituel regrette aujourd’hui que son défunt père ne soit pas témoin de sa réussite scolaire.

Devenu un confident avec qui je partage mes souvenirs et ambitions, cette « Plume malienne » fut le premier à me faire aimer l’écriture par son affection. Mais je dois dire que ma première source d’inspiration est mon père.

LIRE AUSSI

In memoria : toutes les mères s’appellent « Hawa »

Tout se transforme, rien ne se perd

Un peu comme le Baron, mon père ne voulait pas que j’aille à l’école publique. Brillantissime à l’école islamique, une carrière de prêcheur et maître religieux était tout tracée pour moi. Plusieurs de ses frères et cousins ayant été remplacés lorsqu’ils étaient recrutés à l’école publique ou dans l’armée, mon inscription n’était pas un scénario à rêver auprès de mon père.

Même s’il a voulu que Mohamed figure sur mes documents officiels, mon père m’appelait affectueusement Khaled (signifiant perséverant et durable en arabe). Comme beaucoup d’autres enfants de cette partie du Sahel où religion et tradition sont à peine séparables, j’ai porté un double prénom à la naissance. L’affection paternelle est passée par là.

Un grand-père, un frère, un complice, il était tout à la fois, le premier à croire en moi. Magré l’écart d’âge, le septuagénaire et moi entretenions un amour réciproque fondé sur la compréhension et l’empathie. Grand de taille, teint clair et souriant, mon père était un bel et solide homme âgé qui attirait plus d’un interlocuteur.

Autant, il était fier de mes résultats scolaires, mieux la préservation de l’héritage familial lui tenait à cœur. La nuit, après le repas du soir, le fervent musulman prenait du plaisir à écouter le récit des versets coraniques, les hadith et le tariq (histoire musulmane).

Crédits photos :
AMISOM pour Iwaria

Conscient du spectre d’acculturation qui planait, Le Vieux avait mille et une raisons pour me barrer la route de l’école. Mais il était de ces rarissimes patriarches qui ont su s’adapter aux réalités de notre époque.

L’école étant une voie sûre pour s’émanciper dans la société moderne, il avait enfin accepté que j’y aille. Même s’il avait prédit que je devrai me battre seul plus tard pour réussir.

Du roseau au stylo, de la planchette à la tablette, de l’égrènement du chapelet au bruit du clavier… tout un monde semble effondré. Mais peu importe le nombre des années, mon cœur bat toujours pour mes racines. Les bellissimes décors et calligraphies du Livre Saint retracent naturellement le berceau de mon enfance, la fine fleur de ma vie d’adolescent. Rien ne se perd. Tout se transforme.

LIRE AUSSI

In Memoria : ma femme a été une chance pour moi

Étiquettes
Partagez

Commentaires

TOUNKS DJIBRIL
Répondre

Ha vraiment touchant, mais il faut chercher une autre guitare.

Khaled Mohamed
Répondre

Merci mon très cher