Opération Barkhane : autopsie d’une mésaventure française au Mali

Article : Opération Barkhane : autopsie d’une mésaventure française au Mali
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30 octobre 2023

Opération Barkhane : autopsie d’une mésaventure française au Mali

De Bamako à Niamey, en passant par Paris et Washington, où la diaspora ouest-africaine est importante, des jeunes manifestants prennent d’assaut les rues pour soutenir les transitions militaires. À côté des portraits des « sauveurs » du jour et les déclarations hostiles à l’Occident, le drapeau russe est au centre des attentions.

Manifestations en soutien au régime militaire de Bamako
Manifestations en soutien aux militaires de Bamako / VOA Bambara via Wikicommons

Comme pour célébrer la fin de l’archaïque françafrique, nombreux sont ceux qui se plaisent à scander ce qui ressemble au tricolore désordonné et renversé. Même si en réalité, peu d’entre eux savent à peine situer le pays de Vladimir Poutine sur la carte. En clair, l’Élysée ne sera plus le seul partenaire stratégique de ses anciennes colonies.

Interrogations et inquiétudes


Au Mali, les relations avec l’ancienne puissance colonisatrice sont plus que jamais glaciales. En plus de la suspension de la compagnie aérienne Air France, de Radio France Internationale (RFI) et de la télévision France 24, l’interdiction des ONG recevant l’aide du gouvernement français, le renvoie de l’ambassadeur français…, le retrait immédiat des soldats français de l’opération Barkhane est un signal fort de la rupture.


Entamée en 2012, l’opération Serval, ancêtre de Barkhane, intervint dans un contexte sécuritaire difficile. En plus d’une nouvelle rébellion, récurrente depuis la première décennie de son indépendance, et un coup d’État militaire, qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré, le pays faisait face au manque d’équipements militaires.

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Saluée par une partie de la classe politique, l’intervention française, avait en même temps nourri des interrogations et des inquiétudes au sein de l’opinion publique. Craignant un scénario à l’afghane, des observateurs n’hésitaient pas à évoquer une éventuelle volonté de Paris d’installer durablement ses troupes dans le pays. Comme c’était déjà le cas au Niger, au Tchad et en Côte d’Ivoire.
Pendant ce temps, une émission de la chaîne France 2 fait tache à Paris. À travers une grande enquête, le magazine « Cellule de crise » montre des intervenants qui témoignent d’une pression que la France aurait exercée sur les autorités maliennes de l’époque en vue d’obtenir de façon immédiate une intervention militaire.

Via Wikicommons

« On leur donne les termes de la lettre qui nous conviendrait », se souvient encore Laurent Bigot, sous directeur au ministère des Affaires étrangères de la France. « Puis on leur demande de nous refaire une lettre dans la même journée où le Mali demande le soutien militaire de la France. » Il s’agit notamment d’une correspondance dans laquelle Koulouba (présidence malienne) sollicite le soutien aérien de l’armée française face à l’avancée des assaillants qui s’approchent de la capitale.

Dernière ligne droite


En participant à la libération de plusieurs villes maliennes tombées dans les mains des envahisseurs, l’opération française ne permettra pas à l’armée malienne de reprendre ses positions à Kidal. Le temps pour les rebelles de sortir des entrailles chaudes et humides des grottes, où ils étaient cachés, quand les adeptes de la charia faisaient la pluie et le beau temps en ville, pour exhiber leurs nouveaux pick-up, armes et munitions dans les médias français.

Outre cette posture, le déploiement des soldats français coïncide avec la montée en puissance des troupes rebelles et terroristes. Les uns qui jubilent avec un nouveau drapeau, les autres qui mènent des attaques meurtrières, faisant du septentrion malien un no man’s land où germe la semence de la terreur.

Soldats de l’opération Barkhane / France 3 Grand Est via Wikicommons


En 2014, une année, après l’élection du défunt président Ibrahim Boubacar Keita, le Premier ministre Moussa Mara et sa délégation, sont visés par une attaque ciblée au gouvernorat de Kidal. Au bout d’intenses combats, mêlant les forces de défense maliennes et des assaillants lourdement armés, les séparatistes prirent le contrôle de plusieurs localités.

Malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation en 2015, les hostilités vont s’élargir et atteindre la région de Mopti, où agriculteurs et pasteurs vivent ensemble une cohésion séculaire. Des attaques incessantes qui visent aussi bien les militaires que les paisibles paysans qui ne parviennent plus à vaquer leurs occupations en milieu rural, émerge une insécurité grandissante qui sévit jusqu’aux portes de Bamako.

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Dans un contexte de reconstruction des Forces armées et de sécurité maliennes (acquisition des nouveaux équipements, formations et recrutements dans les corps armés), les nouvelles autorités ont enfin décidé de mener la danse avec la Russie. Passé le retrait des forces occidentales (Barkhane et Takuba), le plan de reconquête, tant attendue, de Kidal est désormais actif.

Aux dernières nouvelles, les FAMa avancent à pas de géant vers la fameuse Cité des ifoghas. C’est la dernière ligne droite, après le retour définitif et total de Tessalit et d’Anefis dans le giron malien, deux localités situées à quelques dizaines de kilomètres de Kidal.

Khaled

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